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Reconstruction du ligament croisé antérieur

28/06/2021

Dr Meni Mundama, Dr Simon Lempereur
 
La lésion du ligament croisé antérieur (LCA) est une des lésions les plus fréquentes du genou. Les grands sportifs (football, ski, basketball) sont les plus souvent concernés, mais cela arrive aussi aux personnes moins sportives au cours de diverses activités de la vie quotidienne, sportives ou non. Lorsque ce ligament est lésé, une intervention chirurgicale visant la récupération fonctionnelle optimale sera souvent indiquée, cela en fonction du degré de la lésion et du niveau d’activité du patient.
 

ANATOMIE
Trois os sont impliqués dans l’articulation du genou : le fémur, le tibia et la rotule.
 
Le fémur et le tibia sont liés par 4 ligaments principaux (2 collatéraux et 2 croisés) qui les maintiennent ensemble et de ce fait participent majoritairement à la stabilité du genou. La rotule est positionnée à l’avant de l’articulation du genou et procure une protection mécanique.
 
Les ligaments collatéraux se trouvent sur les côtés du genou : le ligament collatéral médial du côté interne et le ligament collatéral latéral du côté externe. Ils contrôlent les mouvements latéraux du genou.
 
Les ligaments croisés se trouvent au centre du genou (d’où l’appellation « pivot central ») où ils se croisent tel un « X » avec le ligament croisé antérieur positionné devant le ligament croisé postérieur. Ils participent à la stabilisation du genou dans les plans antéro-postérieur et rotatoire.
 
Ainsi, le ligament croisé antérieur (LCA) traverse le centre du genou en diagonale et empêche le glissement du tibia en avant par rapport au fémur. Il contrôle aussi la rotation.
 
À ces ligaments se rajoute le ligament antéro-latéral (LAL), structure anatomique décrite plus récemment tel un épaississement capsulaire courant grossièrement de la zone épicondylienne latérale du fémur au tubercule tibial de Gerdy. Cette structure s’avère importante dans la stabilité rotatoire antéro-latérale du genou et se trouve très souvent lésée en même temps que le LCA. Leurs fonctions sont donc très liées.
 
MÉCANISME LÉSIONNEL
Le ligament croisé antérieur peut être blessé de différentes manières. En voici quelques exemples :
  • Changement rapide de direction,
  • Arrêt brusque, • Décélération pendant la course,
  • Mauvaise réception lors d’un saut,
  • Coup direct tel qu’un tacle au football...
Le patient rapporte très souvent un craquement audible lors de l’accident.
 
Dans environ la moitié des cas, lorsque le ligament croisé antérieur est lésé, une ou plusieurs autres structures du genou le sont aussi (cartilage, ménisque ou autre ligament).
 
Les ruptures partielles du LCA sont rares. La presque totalité des lésions du LCA sont des ruptures totales ou quasi-totales.
 
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LCA rompu sur genou gauche

EXAMEN CLINIQUE
En situation aiguë, le genou est généralement gonflé et très sensible, rendant l’examen clinique difficile.
 
En période subaiguë, après quelques jours d’immobilité, le genou est dégonflé au moins partiellement et plus facile à tester. On procède alors essentiellement à ces différents examens :
  • Contrôle des amplitudes articulaires : exclure le blocage par importante lésion méniscale qui représente une semi-urgence chirurgicale,
  • Test du tiroir antérieur à 30° (Lachman test) et à 90°,
  • Test rotatoire antéro-latéral (pivot-shift) : évaluation du ligament antéro-latéral,
  • Varus/valgus stress : pour évaluer les ligaments collatéraux (surtout le collatéral médial).
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Lachman test

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Pivot-shift
 
BILAN COMPLÉMENTAIRE
Des radiographies peuvent montrer :
  • Une fracture de Segond : arrachement antéro-latéral au bord du tibia qui signe un arrachement de l’insertion du ligament antéro-latéral,
  • D’éventuels arrachements aux points d’attache des ligaments collatéraux ou de l’insertion distale du ligament croisé antérieur (épines tibiales).
L’Imagerie par Résonnance Magnétique (IRM) est l’examen idéal de par sa possibilité de bien montrer les tissus mous.
 
L’arthroscanner est parfois utilisé en cas de contre-indication ou de difficulté d’accessibilité à l’IRM. L’image des tissus mous est alors moins nette mais reste exploitable. Les lésions cartilagineuses ou osseuses sont en revanche mieux visualisées qu’en IRM.

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PRISE EN CHARGE
En situation aiguë et subaiguë, il peut être nécessaire de prescrire une orthèse articulée surtout en cas d’atteinte d’un plan collatéral (plus souvent médial).
 
La kinésithérapie est à débuter dès que tolérée du point de vue algique afin de préserver des amplitudes articulaires (surtout l’extension) et la tonicité des muscles stabilisateurs du genou (quadriceps et ischio-jambiers).
 
Indication opératoire
Qui doit être opéré ?
 
Toute personne ayant un genou instable ou potentiellement instable malgré la kinésithérapie bien conduite, avec une demande fonctionnelle importante.
 
Chez les jeunes enfants avec cartilage de croissance encore en place, il est également possible de reconstruire, mais cela comporte un certain risque de trouble de croissance. Le risque est assez réduit par les techniques récentes mais reste non nul dans l’absolu. La décision se prendra donc au cas par cas, l’idéal étant d’attendre la fermeture des zones de croissance (contrôles radiologiques).
 
Chez les personnes au-delà de 50 ans, la décision se prend en fonction de la demande fonctionnelle du patient. Chez l’adulte de moins de 50 ans, l’indication opératoire est posée en cas de persistance d’instabilité et de demande fonctionnelle nécessitant des activités en pivot.
 
Technique opératoire
Soulignons que l’intervention se déroule dans des conditions d’asepsie stricte et qu’une antibioprophylaxie peropératoire est administrée.
 
L’intervention consiste à reconstruire le ligament croisé antérieur à l’aide d’une (auto- ou allo-) greffe tendineuse. En pratique courante, pour des cas primaires, nous utilisons des auto-greffes tendon du semi-tendineux avec ou sans le tendon du gracile.
 
Le prélèvement du tendon est réalisé via une petite incision. Le reste de l’intervention se fait par arthroscopie.
 
La procédure peut s’expliquer simplement comme suit : préparer des tunnels tibial et fémoral qui partent des points d’insertions naturelles du LCA rompu, ensuite y insérer la greffe tendineuse qui sera alors fixée en fémoral et en tibial de façon isométrique.

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LCA reconstruit sur genou gauche

Souvent, lorsque le test pivot-shift a été probant, il faut associer une plastie antéro-latérale consistant à une ténodèse d’un lambeau du fascia lata sur le trajet anatomique du LAL.
 
PÉRIODE POST-OPÉRATOIRE
La cicatrisation cutanée dure 2 à 3 semaines, après quoi le matériel de suture peut être retiré et les soins de plaie discontinués.
 
L’appui complet immédiat est autorisé sous couvert d’une protection par attelle articulée pendant 6 semaines.
 
La kinésithérapie prend cours également dans l’immédiat selon un schéma spécifique de sollicitation graduelle et dirigée.
 
Le retour au sport peut être initié au 4e mois postopératoire pour les sports dans l’axe et au 6-7e mois pour les sports pivots.
 
L’interruption temporaire de travail est à adapter au patient et au type de sollicitation que sa profession imposer à son genou.
 
RÉFÉRENCES
  • Hulet C., Potel J-F., Société Française d’Artrhoscopie, L’arthroscopie, Elsevier Masson Ed 2015 ; p831 - p1030
  • Voigt C., Schönaich M. & Lill H. Anterior Cruciate Ligament Reconstruction: State of the Art. Eur J Trauma 32, 332–339 (2006). https://doi.org/10.1007/ s00068-006-6118-x
  • Janssen R.P.A., Scheffler S.U. Intra-articular remodelling of hamstring tendon grafts after anterior cruciate ligament reconstruction. Knee Surg Sports Traumatol Arthrosc 22, 2102–2108 (2014). https://doi.org/10.1007/s00167-013-2634-5
  • S. van Grinsven, R. E. H. van Cingel, C. J. M. Holla, C. J. M. van Loon. Evidence-based rehabilitation following anterior cruciate ligament reconstruction. Knee Surg Sports Traumatol Arthrosc 2010; 18:1128–1144