Menu principal
04 / 321 61 11

Articles

Covid long : quels symptômes, quelle prise en charge ?

14/10/2021

Maude Evrard, Dr Bénédicte Guillaume, Dr Thierry Weber

 
La prise en charge en hospitalisation des premiers cas de Covid-19 a nécessité la collaboration de toute une série de spécialités médicales. La pandémie nous a montré la nécessité d’une approche médicale multidisciplinaire mais également incluant tous les niveaux de soins: infirmières, psychologues, kinésithérapeutes, etc. L’expérience acquise avec les patients hospitalisés nous a permis de mettre en place un suivi ambulatoire, au départ systématique, des cas de Covid-19 qui avaient été hospitalisés. Au fur et à mesure, grâce à la littérature scientifique et à notre activité sur le terrain, nous nous sommes rendu compte de la complexité de cette maladie dont les symptômes physiques et psychiques extrêmement variés mettaient parfois beaucoup de temps à régresser et à disparaître. On a également constaté qu’il n’y avait pas que les patients qui avaient été hospitalisés qui développaient des symptômes prolongés. Nous avons donc développé, à nouveau, une approche multidisciplinaire de ces cas de « Covid long » afin de proposer la meilleure prise en charge possible. Cette maladie nous a également montré à quel point le bien-être mental était primordial pour guérir. En effet, outre la prise en charge somatique, l’accompagnement psychologique a été déterminant.
 

Prise en charge des symptômes respiratoires

Dr Thierry Weber
Le Covid long est une nouvelle entité qui a été décrite lors de la pandémie Covid-19. Les synonymes sont le syndrome post-Covid ou le syndrome de Covid chronique. Le suivi systématique des patients hospitalisés ayant souffert du Covid-19 a rapidement montré que ceux-ci souffraient de symptômes prolongés très divers, à distance de l’épisode aigu. Il est apparu qu’il n’y avait pas que les patients qui avaient été hospitalisés qui souffraient de symptômes sur le long terme mais beaucoup de personnes traitées à domicile également.
Le Covid long est défini par la persistance ou la réapparition de symptômes développés pendant l’infection aiguë ou par l’apparition de nouveaux symptômes. Nous considérons que les symptômes d’une infection Covid-19, confirmée par PCR, doivent être présents au maximum pendant 4 semaines. Au delà, on est face à un Covid long.
Dans le cas du Covid long, on distingue les patients dont les symptômes sont présents au maximum pendant 12 semaines et ceux dont la durée des symptômes dépasse 12 semaines.
Les facteurs de risque de développer un Covid long sont l’âge, les comorbidités préexistantes, l’obésité, les problèmes psychologiques préexistants et les patients qui ont été fort symptomatiques pendant la phase aiguë.
Les symptômes du Covid long sont extrêmement variés et peuvent être cardiaques, respiratoires, ORL, digestifs, neurologiques et psychologiques. Les symptômes les plus fréquents sont donc la fatigue, la dyspnée d’effort, les douleurs thoraciques, la toux, les problèmes persistants de goût et d’odorat, les troubles digestifs, les problèmes neurogognitifs et psychologiques.
Les symptômes sont tellement variés qu’il n’est pas possible de les résumer en quelques lignes. Toutefois, un interrogatoire systématique avec une grille d’évaluation a fait apparaître que certains symptômes étaient plus fréquents que d’autres.
Les manifestations respiratoires du Covid long sont la dyspnée d’effort, la toux et les douleurs thoraciques.
La mise au point d’une dyspnée d’effort d’un patient qui souffre d’un Covid long est particulièrement difficile. En effet, le diagnostic différentiel est vaste car il peut s’agir de complications de la phase aiguë, de décompensation de comorbidités préexistantes ou révélées par l’infection Covid ou d’une autre cause de dyspnée d’effort qui est indépendante du Covid.
Ainsi, les diagnostics principaux qui apparaissent après mise au point sont l’asthme, la BPCO, la maladie thromboembolique pulmonaire, les lésions fibrotiques pulmonaires post-Covid, le déconditionnement à l’effort, le syndrome d’hyperventilation et l’insuffisance cardiaque.
De tous ces diagnostics, dont la plupart sont des diagnostics habituels en pneumologie, le déconditionnement à l’effort et le syndrome d’hyperventilation sont particulièrement fréquents et requièrent une approche multidisciplinaire avec de la revalidation respiratoire et de la rééducation à la respiration. Cette approche dynamique a été salutaire pour la majorité des patients qui ont pu en bénéficier, mais certains continuent à souffrir sur le long terme de dyspnée d’effort malgré tous les traitements mis en place.
En cas de toux persistante, il faut rechercher la présence d’une hyperréactivité bronchique non spécifique qui pourrait orienter vers un asthme plutôt que vers une toux post bronchitique. L’asthme est alors traité de façon classique et la toux post bronchitique est traitée de façon symptomatique.
Les douleurs thoraciques ouvrent un large diagnostic différentiel qui commence par un interrogatoire très poussé qui oriente les explorations complémentaires pulmonaires et cardiaques.
Enfin, il y a eu relativement peu de séquelles parenchymateuses pulmonaires par rapport aux atteintes importantes qu’on pouvait constater sur les images tomodensitométriques pulmonaires de la phase aiguë.
Au niveau ORL, on a mis en évidence des symptômes persistants de type hyposmie, dysgeusie, phantosmie, parosmie mais également de type anosmie et agueusie persistantes. à ce niveau également, un travail de rééducation permet une récupération qui est malheureusement parfois très lente.

Covid-long-2.png
Covid-long-3.png

Manifestations neurologiques post-Covid

Dr Bénédicte Guillaume

Se distinguant des atteintes neurologiques de la phase d’infection aiguë (AVC, Guillain – Barré, encéphalopathie, crises d’épilepsie), les manifestations neurologiques post-Covid apparaissent à distance de l’infection, évoluent de manière chronique, sont rarement isolées et n’ont pas de corrélation avec l’intensité de la phase de contamination. Le mécanisme physiopathologique en est encore discuté.
Les manifestations les plus fréquentes sont les céphalées, les myalgies associées à une faiblesse musculaire, les sensations de brûlure, une fatigabilité extrême tant physique que cognitive, des troubles du sommeil et des problèmes de concentration ou d’attention.
Les céphalées sont généralement de type « céphalées de tension » et nécessitent souvent un simple antidouleur de premier palier.
Les myalgies et la faiblesse musculaire essentiellement liées à un déconditionnement, ne nécessitent pas d’emblée un bilan sanguin avec CPK. La réadaptation à l’effort doit être progressive et est souvent salutaire.
Les sensations de brûlure et de chaleur intense sans facteur déclenchant ni horaire précis sont souvent décrites et ne s’accompagnent pas de manifestations neuro-végétatives.
Les manifestations neuro-végétatives (tachycardie, palpitations, lipothymies, troubles digestifs) doivent avant tout exclure une atteinte dysautonomique. Ces symptômes sont rarement tous présents et isolément ne sont pas spécifiques d’une atteinte du Système Nerveux Autonome. La recherche d’un hypotension orthostatique, l’évaluation de l’arythmie respiratoire, de la modification de la chaleur ou couleur cutanée peuvent être utiles.
Les troubles du sommeil ne sont en rien spécifiques et n’ont pas de symptomatologie ni de traitement particulier dans ce cadre. Leur prise en charge ne diffère donc pas de notre pratique habituelle.
Les troubles cognitifs évoluent clairement dans un contexte de fatigue liée notamment aux troubles du sommeil associés mais aussi dans un contexte de perte de confiance en soi. Ils apparaissent surtout chez des patients antérieurement très performants et très actifs et qui ne parviennent plus à « assurer le rythme antérieur ». Les troubles neuropsychologiques sont essentiellement d’ordre dysexécutif et attentionnel avec une atteinte de la double tâche qui explique le manque d’efficacité et de rentabilité. Un cercle vicieux s’installe, qu’il est nécessaire de rompre. Un screening cognitif à base d’un Mini Mental State (MMS) ou d’une MOCA est une première étape et en cas de doute, une consultation en neurologie spécialisée permettra d’évaluer par les éléments anamnestiques et d’autres épreuves réalisées en consultation, la nécessité d’investiguer davantage par un bilan neuropsychologique approfondi et une imagerie.
Pour tous ces symptômes, si l’examen clinique est perturbé ou si la symptomatologie est brutale et évoque une autre pathologie, un avis spécialisé est alors requis.
Néanmoins, il faut garder à l’esprit que leur évolution semble favorable chez la plupart des patients dans des délais variables. Il n’est donc pas nécessaire de se précipiter vers des explorations complémentaires complexes et que l’écoute du patient reste centrale dans la prise en charge qui doit inciter le patient à « bouger » tant physiquement que cognitivement.
 

Aspect psychologiques et COVID-19

Maude Evrard

En plus d’un an, la pandémie Covid-19 a profondément modifié notre société. La succession de périodes de confinement et l’incertitude associée à l’évolution des contaminations ont largement influencé notre quotidien, nos relations sociales et la manière de nous projeter dans l’avenir. Ce contexte particulier a fait émerger bon nombre de difficultés psychiques.
Un nombre croissant d’études internationales met en évidence les complications à long terme de la Covid-19. Parmi celles-ci, on retrouve des symptômes psychopathologiques liés à une détresse importante comme des états de stress post-traumatique, des exacerbations anxieuses ou des affects dépressifs. Ces symptômes apparaissent chez des patients atteints de Covid-19, chez des soignants de première ligne mais également dans la population générale.
Notre expérience au chevet des patients hospitalisés aux soins intensifs, en salle Covid, en gériatrie, en unité de revalidation et en polyclinique psychologique, rejoint les données publiées depuis mars 2020. En effet, les psychologues des différents services rapportent des états de stress aigu, des vécus traumatiques, des décompensations dépressives mais également des troubles attentionnels et mnésiques, une fatigabilité importante ou encore un ralentissement psychique.
Face à l’émergence de ces difficultés, il est essentiel d’offrir une prise en charge interdisciplinaire, où un accompagnement psychologique adapté aux besoins de chaque patient est intégré au programme de soins.