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Traitements mini-invasifs des maladies cardiaques

30/11/2019

Dr A. Sanoussi

Introduction

Au cours des dernières années, les progrès de la chirurgie cardiaque ont été considérables avec une morbi-mortalité opératoire faible, souvent inférieure à 1 % pour la chirurgie programmée. Dans un tel contexte, le développement d’une nouvelle approche telle que la chirurgie mini-invasive est délicat, car il est quasiment impossible d’accepter la morbi-mortalité habituellement associée à une courbe d’apprentissage. D’un autre côté, l’évolution des recommandations nous pousse à opérer plus précocement et encourage le développement de techniques vécues comme moins agressives et donc plus facilement acceptables par des patients pas ou peu symptomatiques. De fait, ces cinq dernières années, la chirurgie cardiaque mini-invasive connaît une transformation rapide avec des perfectionnements techniques permettant une amélioration incontestable des résultats cliniques en termes de morbi-mortalité tant à court terme qu’à long terme. De nombreuses études cliniques multicentriques et randomisées sont en cours d’élaboration afin de déterminer de manière robuste la position de cette chirurgie innovante aux côtés de la cardiologie interventionnelle. Cette chirurgie nécessite par essence une collaboration intime entre les cardiologues interventionnels et les chirurgiens cardiaques ; c’est dans cet esprit que nous avons lancé un programme ambitieux de chirurgie cardiaque mini-invasive au CHR de la Citadelle. Dans cette brève revue, nous décrivons les principes généraux de la chirurgie cardiaque mini invasive ainsi que des modalités techniques simples et fiables n’impliquant pas de surcoût significatif et que nous sommes en train d’installer efficacement au CHR de la Citadelle.

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Spécificités techniques de la chirurgie cardiaque mini-invasive
 
  • L'endoscopie
L’abord chirurgical peu traumatisant, excluant l’utilisation de tout écarteur intercostal rigide, implique souvent l’usage de l’endoscopie qui est souvent vécue comme une étape limitante par les chirurgiens. Dans aucune discipline chirurgicale, la vidéoscopie ne s’est imposée facilement et les premiers pas sont souvent l’oeuvre de pionniers au prix d’une morbi-mortalité significative. En Belgique, nous avons la chance d’avoir de véritables pionniers de la vidéoscopie en chirurgie cardiaque : Hugo Vanermen (Alost) et Aaladdin Yilmaz (Hasselt) dont nous reprenons, au CHR de la Citadelle, les contributions les plus importantes. Aujourd’hui, l’évolution des matériels et la définition de procédures, à la fois simplifiées et sûres, nous permettent d’étendre très progressivement la technique endoscopique à toutes les indications de la chirurgie cardiaque. Notre contribution dans le développement de cette technique est largement inspirée par l’approche du docteur Yilmaz avec aujourd’hui des bénéfices unanimement acceptés en termes de confort, de limitation des douleurs, de diminution des saignements, des transfusions et des durées de séjour intra-hospitalier ainsi qu’un bénéfice d’ordre esthétique, même si ce dernier élément n’est pas l’objectif principal.

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  • Canulation et circulation extra-corporelle
Toutes les canulations artérielles et veineuses sont percutanées. Les sites de ponctions jugulaires ou fémorales sont repérés par un Echo-Doppler vasculaire manipulé par le chirurgien réalisant les canulations. La bonne position des canules intracardiaques est systématiquement vérifiée par une échocardiographie transoesophagienne. En chirurgie mini-invasive, la CEC doit être périphérique pour éviter l’encombrement du champs opératoire. Le drainage veineux actif et les techniques de canulation simplifiée ont apporté un progrès décisif. Aujourd’hui, la CEC périphérique totalement percutanée est maîtrisée et ne représente plus un obstacle à la diffusion de la chirurgie cardiaque miniinvasive.

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  • Clampage aortique et injection de la cardioplégie
Deux techniques sont possibles. L’Endoclamp et le système Heart-Port (tel que préconisé par le docteur Vanermen) utilisent un ballon gonflé dans l’aorte ascendante. Son utilisation est délicate et présente un surcoût de plus de 4.000 € par procédure : pour ces raisons, sa diffusion reste fort limitée. Le clamp transthoracique est, par contre, peu onéreux, réutilisable et permet un clampage plus classique de l’aorte ascendante. Son inconvénient majeur reste la nécessité d’une ponction séparée de l’aorte ascendante pour l’induction de la cardioplégie. Il reste néanmoins la solution la plus simple que nous avons choisi d’appliquer au CHR de la Citadelle.

Indication de la chirurgie cardiaque mini-invasive
 
  • La chirurgie coronarienne
L’artère mammaire interne est facilement prélevée sous vidéoscopie, puis l’anastomose est réalisée manuellement par une courte incision. Ces techniques n’ont pas connu de développement significatif, essentiellement en raison de la suprématie écrasante de l’angioplastie pour les mono- ou double pontages. La revascularisation coronarienne hybride, dont la croissance est parallèle à la chirurgie miniinvasive, propose la combinaison d’un pontage mammaire sur l’artère interventriculaire antérieure et une angioplastie sur les autres troncs coronaires. Cette combinaison permet d’offrir au patient le meilleur des deux procédures avec un abord mini-invasif. Au CHR de la Citadelle, un protocole est mis sur pied afin de sélectionner les patients tritronculaires qui pourraient bénéficier de l’approche hybride.
 
  • La chirurgie valvulaire aortique
Anatomiquement, l’aorte est immédiatement rétro-sternale et elle est abordée soit par une courte incision pré-sternale avec une mini- sternotomie supérieure ou préférentiellement par une courte mini-thoracotomie dans le 2e espace intercostal droit. L’étroitesse des incisions nous oblige à l’installation de la CEC en périphérie par voie percutanée. La technique de Yilmaz permet encore de diminuer les abords par l’usage de la vidéoscopie qui présente un net avantage en excluant tout écarteur thoracique. Cette dernière technique est en plein développement au CHR de la Citadelle.
 
  • La chirurgie valvulaire mitrale
Malgré la complexité de la chirurgie de reconstruction mitrale, les abords mini-invasifs ont complétement supplanté la chirurgie traditionnelle. L’exposition anatomique optimisée par l’approche vidéoscopique avec, en particulier, un agrandissement des images sur l’écran autorise des gestes techniques beaucoup plus précis afin de réaliser tous types de réparation valvulaire. La mini-thoracotomie est pratiquée dans le 3e ou le 4e espace intercostal droit. Dans ce cas, la CEC est également installée en périphérie.

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  • La chirurgie des oreillettes
Atteinte valvulaire mitrale ou tricuspide, traitement de la fibrillation auriculaire, tumeurs intracardiaques, ablation de sondes endocardiques, cure de communication inter-auriculaire … sont potentiellement accessibles par des abords mini-invasifs intercostaux.

Toutes ces techniques imposent l’acquisition d’une gestuelle spécifique avec un matériel ancillaire adapté et souvent un contrôle par échographie transoesophagienne permanent.

Gestion des suites opératoires
Les saignements post-opératoires sont généralement faibles et les drains sont enlevés dès le lendemain de l’intervention, ce qui est souhaitable car ils sont, après ce type d’approche, la seule source de douleur potentielle. Les pansements compressifs, les voies veineuses et le sondage urinaire devraient également être enlevés dès le lendemain pour permettre une mobilisation précoce du patient.

Les anti-vitamines K sont repris le plus rapidement possible afin d’obtenir un équilibre INR précoce et d’autoriser une sortie rapide du patient.

L’amiodarone est utilisée largement pendant les quinze premiers jours pour prévenir les risques d’arythmies post-opératoires ; ceci est d’autant plus important que l’hospitalisation est courte (< 5 jours).

Le patient est systématiquement revu au 15e jour post-opératoire pour adapter les traitements et parer au développement des épanchements.

Résultats de la chirurgie cardiaque mini-invasive
Aujourd’hui, l’approche mini-invasive est indiquée pour la quasi-totalité des gestes en chirurgie cardiaque. Il n’y a pas de limite d’âge ou de poids. Les contre-indications relatives sont principalement les calcifications sévères des anneaux mitraux ou aortiques ainsi que les atteintes sévères de la fonction cardiaque avec des fractions d’éjection effondrées à moins de 35 %.

La mortalité post-opératoire est autour de 1 à 2 % pour le groupe des patients opérés de manière programmée. Les résultats valvulaires et la perméabilité des pontages sont comparables à ceux que l’on obtient par sternotomie.

Les complications septiques de type endocardite ou pariétale sont quasi inexistantes. En revanche, on peut déplorer un taux significatif autour de 5 % de lymphocèle lié à la dissection des vaisseaux fémoraux. Cette dernière complication disparaît complètement lorsque la canulation est strictement percutanée.

La morbidité rencontrée incluant la période d’apprentissage comprend des conversions en sternotomie et des ré-explorations pour hémostase. Les douleurs sont moindres dès que la technique est complètement maîtrisée et que le chirurgien n’emploie plus aucun écarteur, ce qui est le fruit d’une lente et progressive acquisition.

Les délais de séjour en réanimation et en hospitalisation sont généralement plus courts, de même que la reprise de l’activité professionnelle est extrêmement précoce.

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