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Les protocoles de détresse, une des missions de l'EMISCA

30/11/2019

Dr J. Lenaerts

Aujourd’hui, les soins palliatifs ne sont plus réduits à des soins de fin de vie ou à la prise en charge de la phase  terminale d’une maladie grave. Ils s’adressent à toute personne dès l’annonce d’une maladie incurable qu’elle soit cancéreuse ou pathologie chronique (insuffisance cardiaque, respiratoire, rénale, pathologie neurodégénérative …).

Si les soins palliatifs veillent à la gestion des douleurs et autres symptômes d’inconfort, leur plus-value est d’offrir un espace où le patient et/ou sa famille et/ou les intervenants de première ligne peuvent tenter de mettre des mots sur leurs difficultés, en comprendre les causes et y trouver des réponses singulières.

Au CHR, l’EMISCA (équipe mobile intra-hospitalière de soins continus et d’accompagnement) est entièrement vouée à ce « prendre soin ». Nous sommes cinq : deux psychologues, deux infirmières et un médecin. Nous intervenons à la demande des patients, de leur famille, des médecins traitants et des soignants de première ligne pour les accompagner tout au long de leur parcours. Nous prenons soin principalement en nous mettant à l’écoute de la personne et de sa singularité. En plus de cela, nous veillons à la gestion adéquate de la douleur, des symptômes d’inconfort. Nous pouvons aider à la réflexion éthique. Nous veillons à établir un projet thérapeutique avec le patient et les médecins de première ligne ainsi qu’un protocole de détresse si nécessaire.

Nous tentons donc de prendre en charge la souffrance globale.

Cet article vise à expliquer plus précisément une de nos missions : l’établissement de « protocole de détresse ».

QU’EST-CE QUE LA DÉTRESSE ?
Selon le Larousse, la détresse est :
  • Un sentiment d’abandon, de solitude profond, de désarroi.
  • Une situation critique, dangereuse.
  • Une défaillance aigüe et grave d’une fonction vitale.
La détresse, c’est tout cela à la fois.

QU’EST-CE QU’UN PROTOCOLE DE DÉTRESSE ?
C’est une prescription médicamenteuse individualisée, rédigée par le médecin de manière anticipée et écrite dans le dossier infirmier afin que les infirmier.e.s puissent les administrer directement quand une situation de détresse en fin de vie se présente. Elles peuvent ainsi soulager en urgence le patient (passer « le cap aigu »).

Remarque : un protocole ne répond qu’à la détresse physique et non au sentiment profond d’abandon, de solitude profonde et de désarroi.

QUEL EST LE BUT DE CE PROTOCOLE ?
  • Passer le cap aigu.
  • Provoquer rapidement une sédation qui dure trois à quatre heures ainsi qu’une amnésie antérograde.
Le maître-mot de l’élaboration du protocole de détresse est l’anticipation.

QUELLES SONT LES INDICATIONS ?
  • Détresse respiratoire.
  • Hémorragie massive.
  • Douleurs incontrôlables.
  • Anxiété intense.
  • Crises convulsives incontrôlables.
Toute situation insupportable pour le patient en fin de vie est une indication !

QUAND DÉCLENCHER LE PROTOCOLE ?
Le protocole est déclenché lorsque le patient présente un des signes de souffrance décrits ci-dessus. C’est l’infirmier.e qui constate cette détresse qui déclenche le protocole. Il/elle doit prévenir le médecin prescripteur ou le médecin de garde.

ET AU DOMICILE ?
Anticipativement, vous pouvez prescrire les produits et le matériel après discussion avec le patient et/ou la famille ainsi que l’infirmier.e du domicile.

Après évaluation de la détresse, celui. celle-ci pourra alors débuter le protocole.

Remarque : il n’y a pas que la détresse du patient, le soignant peut se sentir perdu face à la situation et peut être en détresse. L’équipe extrahospitalière DELTA peut vous aider. Elle favorise l’approche relationnelle et peut vous accompagner dans votre difficulté face au patient en fin de vie.

QUELLE EST LA TECHNIQUE ?
Vu l’urgence de la situation, trois substances doivent être disponibles rapidement :
  • Le Midazolam (Dormicum°).
  • La Morphine.
  • Le Glycopyrolate (Scopolamine°).
Les injections sont possibles en associant les trois produits dans la même seringue soit en intraveineuse ou en sous-cutanée. Il est important que l’infirmier.e vous prévienne dès la première injection du protocole. Cette injection peut être répétée toutes les dix-quinze minutes, maximum trois fois. Après ces trois injections, vous devrez réévaluer la situation.

Remarque : il est possible que, vu l’évolution péjorative de sa maladie, le patient s’apaise et ne se réveille pas, mais ce n’est pas le but recherché. Le but est de passer le « cap aigu ». Quoi qu’il en soit, ce geste pratiqué en urgence pour soulager la détresse d’un patient doit être discuté au préalable avec le patient, et si possible sa famille, ainsi que le personnel soignant.

Remarque : un tableau récapitulatif est soumis aux médecins généralistes lors de la Journée médicale.

COMMENT ÉVALUER L’EFFICACITÉ DU PROTOCOLE ?
  • Le patient se calme/ s’endort après dix minutes.
  • S’il n’y a pas d’amélioration, l’infirmier.e répète le protocole toutes les dix-quinze minutes jusqu’à trois fois et vous contacte pour réévaluer la situation.
  • S’il n’y a aucun signe d’amélioration après cela, vous devrez poursuivre une sédation temporaire avec une dose d’entretien de Midazolam en pousse-seringue sous-cutanée (30 à 100mg/24h).
L’équipe DELTA prête le matériel adéquat et se rend disponible pour vous aider.

QUELQUES INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES
  • Glycopyrolate (Scopolamine°) OU Robinul°.
  • Midazolam (Dormicum°) en sublingual ou en intra-rectal aux mêmes doses (sous-cutané ou intra-veineux)
  • Midazolam (Dormicum°) OU Diazépam (Valium°) en sublingual ou en intra-rectal.
Le protocole présenté lors de la Journée médicale, en réponse à une demande qui nous est parvenue, n’est qu’une partie de notre travail. Bien que nécessaire, nous le considérons comme délicat. En effet, il nous met dans une position de « celui qui sait et qui fait » alors que le rôle de notre équipe est d’aller à la rencontre de l’autre pour écouter ce qui se mi-dit, c’est-à-dire, ce qu’il dit au-delà de ce qu’il énonce.

Le rôle de l’EMISCA, c’est « Ne pas être pour que l’autre soit. » - Françoise DOLTO