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Le rattrapage vaccinal : quel horaire pour se remettre sur les rails ?

30/11/2019

Dr J. Frère 
Dr M. Hoyoux

La vaccination fait partie intégrante de l’évaluation de tout patient quel que soit son âge. Même si certains patients (nourrissons …) ou certaines situations (voyage, plaie …) favorisent la discussion vaccinale, toute consultation médicale offre l’opportunité de vérifier l’état vaccinal de son patient et, le cas échéant, de le compléter.

Dans le contexte actuel où le nombre de vaccins proposés se multiplie, de même que les indications, rattraper le retard ou recommencer un schéma de vaccination peut rapidement devenir un casse-tête pour le clinicien. Parallèlement, les populations « particulières » sont de plus en plus fréquentes, tels que les patients immuno-supprimés ou les primo-arrivants ou immigrés. Situation qui peut complexifier encore plus la réflexion.

Afin de garantir à chacun une protection identique, le vaccinateur doit pouvoir déterminer si le patient est protégé en accord avec un standard qui, dans notre pays, est le calendrier vaccinal émis par le Conseil Supérieur de la Santé (CSS). Le calendrier est présenté à la figure 1. Il est réactualisé régulièrement et la dernière mise à jour a été publiée en mars 20191. Il tient compte de l’épidémiologie locale des infections évitables par la vaccination, des caractéristiques des différents vaccins et de l’organisation des structures qui réalisent les vaccinations de groupe. Son application concerne les enfants en bonne santé nés à terme ainsi que les adolescents et les adultes. Des recommandations concernant certaines populations particulières complètent ce calendrier afin de couvrir l’ensemble de la population2.

Au travers de différentes situations cliniques, nous avons souhaité aborder la vérification et la remise à jour d’un calendrier vaccinal et cela, chez des patients d’âge différent. Chaque situation mérite d’être analysée soigneusement afin de déterminer l’adéquation ou l’inadéquation du statut vaccinal de l’individu et de proposer des vaccinations complémentaires si nécessaire. Comme décrit dans le document du CSS, quatre règles de base régissent la remise à jour d’un calendrier vaccinal3.

La première insiste sur le fait qu’il est préférable de considérer qu’une personne n’est pas vaccinée plutôt que de la croire faussement protégée. La deuxième est qu’il ne faut jamais repartir à zéro, chaque dose valide reçue compte. Une interruption du schéma vaccinal ne nécessite pas non plus d’ajouter des doses supplémentaires. On poursuivra la vaccination là où elle a été interrompue, en complétant par les doses manquantes, indépendamment du temps écoulé depuis la dernière dose reçue. La troisième règle rappelle les facteurs qui permettent d’évaluer la validité, d’un point de vue immunologique, de chaque dose reçue. Enfin, la quatrième règle encourage à proposer le calendrier de rattrapage le plus raisonnable possible. Cela implique d’utiliser des vaccins combinés afin de minimiser les injections en un temps minimal pour s’assurer d’une bonne compliance.

Deux types de situations résument les problématiques principalement rencontrées. Le patient n’a jamais été vacciné et il faudra amorcer une séquence de vaccins pour rattraper le calendrier général. Le patient a entamé un schéma de vaccination qui a été interrompu et il faudra mettre à jour ce schéma.

Le calendrier peut avoir été amorcé dans notre pays ou non, il faudra donc comparer les produits reçus et s’assurer de leur équivalence avec les vaccins recommandés par le CSS.

S’il n’existe aucune preuve fiable de vaccination, soit parce que le patient n’a reçu aucune dose de vaccin recommandé, soit parce qu’aucun document n’atteste de la vaccination, un schéma complet de rattrapage est indispensable. Le praticien doit alors amorcer un calendrier de rattrapage de la vaccination de base.

La seule information fiable, permettant d’attester de l’état vaccinal d’un individu, est un document vaccinal répertoriant le nom ou le type de vaccin et la date d’administration de chaque dose, tel le carnet ONE distribué à tout nourrisson en Fédération Wallonie-Bruxelles.

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Dans certains cas, des résultats de tests sérologiques peuvent attester de l’immunité de l’individu. Cependant, ces sérologies sont parfois difficiles à interpréter et l’attente des résultats retarderait le début du rattrapage. La réalisation de telles analyses est donc de moins en moins justifiée et n’est, d’ailleurs, plus recommandée par le CSS. En l’absence de certitude (document écrit officiel), la revaccination est l’option à privilégier. Dans cette pratique, la crainte majeure du clinicien est celle de sur-vacciner et d’être éventuellement confronté à des réactions adverses, type phénomène d’Arthus ou réaction locale sévère. Ce risque est cependant rare et il n’y a généralement aucun risque à administrer une dose excédentaire de vaccin, notamment contre haemophilus influenzae b, hépatite B, méningocoque C, RRO, diphtérie, tétanos, coqueluche, poliomyélite … Dans ces conditions, il est important de choisir le calendrier de rattrapage approprié à l’âge de la personne au moment de la première visite, d’utiliser les intervalles minimaux entre les doses jusqu’à ce que le retard soit rattrapé, et enfin, de poursuivre la vaccination en suivant le calendrier régulier.

Si le praticien doit mettre à jour un calendrier vaccinal, il doit d’abord déterminer la validité des doses reçues (âge minimum et intervalle minimum entre les doses), puisque chaque dose compte si elle est valide. La démarche est donc de partir du calendrier complet recommandé pour l’âge, d’en soustraire les doses valides reçues et de compléter toutes les doses manquantes ou non valides à partir du moment où ce manque est constaté.

Il est donc important de pouvoir attester de la valeur « immunologique » d’une dose reçue. La réponse immunitaire obtenue, et donc la protection, dépendent du respect de trois éléments. Le premier est l’âge minimum autorisé d’administration de la première dose d’un vaccin. Par exemple : six semaines de vie pour un vaccin combiné DTaP-IPV-Hib-HBV et sept ans pour la formulation adulte dTap. Le second est l’intervalle minimal requis entre deux doses d’un même vaccin dans les schémas à plusieurs doses. Par exemple, deux doses de vaccin anti- tétanique doivent être administrées à, minimum, quatre semaines d’écart. Une dose reçue trop tôt devra être répétée. Enfin, le nombre total de doses reçues, y compris le ou les rappels, pour un même vaccin est important et varie selon l’âge et les caractéristiques de l’individu.

Ainsi, le clinicien peut définir les vaccinations indiquées et proposer un calendrier de mise à jour de la vaccination, calendrier sur-mesure en fonction de l’âge. Comme souligné précédemment, la solution la plus pragmatique, quand plusieurs alternatives sont possibles, doit être bien entendu privilégiée. Un calendrier court améliore la compliance du patient, mais surtout, garantit l’obtention de la protection désirée dans les plus brefs délais. Le calendrier de rattrapage établi finalement ne suit pas toujours les combinaisons proposées dans le calendrier vaccinal de base du CSS.

Même si la majorité de nos patients sont favorables à la vaccination, peu sont complètement enthousiastes au moment de l’injection. La phobie des aiguilles, l’inconfort de l’injection doit nous pousser à minimiser le nombre de visites, administrer différents vaccins simultanément et à utiliser des vaccins à plusieurs composants. L’utilisation de ces vaccins combinés aboutit parfois à l’administration d’une dose supplémentaire pour un ou plusieurs composants du vaccin. Cette pratique n’est en aucun cas préjudiciable au patient. Le CSS fournit également un tableau d’administration concomittante valide (figure 2). En effet, il est judicieux de programmer plusieurs vaccins différents lors d’une seule visite. Les injections devront être réalisées à des sites anatomiques différents, au moins séparés de 5 cm.

En conclusion, le rattrapage vaccinal n’est pas nécessairement une gymnastique d’esprit aisée. Cependant, s’assurer que chacun de nos patients est correctement vacciné fait partie intégrante de notre tâche préventive. Il faut donc pouvoir y accorder du temps et encourager les patients à se remettre à jour. Il ne faut pas attendre une occasion, il faut pouvoir saisir toute opportunité. La calendrier d’amorce ou de rattrapage que nous allons élaborer, spécifique à chaque situation, tiendra compte de l’âge du patient, des doses de vaccins valides précédemment reçues et du nombre de doses nécessaires pour chaque type de vaccin. Le calendrier se veut court et pragmatique.

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1 Conseil Supérieur de la Santé, Avis 9141 - Calendrier vaccinal de base – mars 2019. Disponible sur https://www.health.belgium.be
2 Conseil Supérieur de la Santé, Avis 9158 - Patients ID et vaccination – 2019. Disponible sur https://www.health.belgium.be
3 Conseil Supérieur de la Santé, Avis 9111 – Vaccination de rattrapage – 2013. Disponible sur https://www.health.belgium.be