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Le cancer du rectum localisé

18/02/2021

Dr Damien Dresse
Dr Vinciane Ledouble

 

L’adénocarcinome du rectum concerne annuellement plus de 2.400 patients en Belgique. Tous stades confondus, la probabilité de survie à 5 ans est d’environ 55 %. Il expose à une diffusion métastatique (hépatique et pulmonaire surtout) mais également à des récidives locales. Le traitement actuel repose sur la résection chirurgicale souvent précédée par de la radiochimiothérapie. Ces traitements entrainent des complications et des séquelles fonctionnelles. Des stratégies de conservation rectale sont en cours d’évaluation.

SYMPTÔMES ET SIGNES

Les symptômes les plus fréquemment rencontrés sont la modification du transit, le syndrome rectal (faux besoins impérieux et fréquents avec émission de glaires et de sang, ténesme) et les rectorragies. Ces dernières peuvent être banalisées à tort, ce qui retarde le diagnostic et la prise en charge. Une anémie ferriprive peut être présente. D’autres signes fonctionnels non spécifiques (amaigrissement récent inexpliqué, douleurs abdominales inexpliquées) peuvent compléter le tableau.

LE DIAGNOSTIC
Il repose sur l’endoscopie basse qui doit être réalisée dans un délai court en cas de suspicion clinique.

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BILAN LOCAL ET D’EXTENSION
Le bilan d’extension doit comporter :
  • TR : pour évaluer la distance de la tumeur par rapport à la marge anale et la mobilité de la lésion par rapport aux plans profonds.
  • Une colonoscopie complète : réalisation de biopsies, appréciation de la taille, de l’aspect et de la distance par rapport à la marge anale et recherche de lésions néoplasiques coliques sus-jacentes.
  • L’IRM pelvienne : détermine le cT (extension intrapariétale d’une tumeur), précise la marge circonférentielle radiaire et les distances entre le pôle inférieure de la tumeur et le bord supérieur du sphincter, évalue le statut cN (atteinte ganglionnaire).
  • L’écho-endoscopie basse : surtout utile pour déterminer l’infiltration pariétale des tumeurs superficielles et l’évaluation ganglionnaire.
  • Un scanner thoraco-abdominal avec injection de produit de contraste pour la recherche de lésions à distance.
  • Dosage sanguin du CEA et du CA 19-9.
  • Pet-scanner corps entier : non systématique.

LE TRAITEMENT
L’approche thérapeutique se doit d’être multidisciplinaire impliquant aussi bien le chirurgien que l’oncologue, le radiothérapeute, le radiologue, le gastro-entérologue et l’anatomopathologiste.

Le traitement de radiochimiothérapie préopératoire avec un schéma long était le standard thérapeutique pour les cancers du rectum de stade II (T3 ou T4 N0) ou plus, depuis 2004. Les schémas de radiothérapie courte, délivrés en 5 séances, étant une alternative valable aux schémas combinés pour certains patients.

Durant le traitement néoadjuvant, la chimiothérapie, lorsqu’elle est administrée concomitamment à la RTH, est employée comme radiosensibilisant. L’agent utilisé est le 5-fluorouracile (5-FU) intraveineux. La forme orale capécitabine (métabolisé en 5-FU) peut être utilisée également. L’ajout de la chimiothérapie à la radiothérapie a permis une diminution des récidives locales de 16,5 % à 9,4 % et une augmentation des réponses pathologiques complètes (pCR) sans bénéfice sur la survie globale ou sans récidive.

NOUVEAUTÉS POST ASCO 2020
Deux études de phase III ont été présentées : il s’agit de RAPIDO (RTH courte suivie d’une chimiothérapie de consolidation puis d’une chirurgie) et de PRODIGE 23 (chimiothérapie d’induction par FOLFIRINOX suivie d’une radiochimiothérapie longue puis chirurgie associée à une chimiothérapie adjuvante).

Ces études concernent des tumeurs rectales localement avancées et montrent une amélioration significative de la survie sans récidive et la survie sans métastase à trois ans avec des résultats similaires.

Le concept de traitement néoadjuvant total (TNT) s’impose comme un standard de prise en charge pour ce type de tumeurs (T3/T4 et/ou N+) et ouvre la porte aux stratégies de conservation rectale. Ce type de schéma de traitement est déjà appliqué au sein de notre institution.

Après un minimum de 8 semaines, une réévaluation par IRM, endoscopie basse et examen clinique est réalisée pour planifier la chirurgie en fonction de la réponse au traitement.

Depuis une quinzaine d’années, la chirurgie minimale invasive a également été développée. A la Citadelle, depuis 5 ans, nous utilisons le robot chirurgical qui nous apporte une aide dans la réalisation de cette opération complexe avec de bons résultats oncologiques et de réductions des effets secondaires.

La résection du rectum reste en effet une intervention difficile, porteuse de risques sur les fonctions défécatoire, urinaire et sexuelle.

Compte tenu du taux important de stérilisations tumorales observé après radiochimiothérapie, la stratégie de préservation d’organe chez les patients en situation de bonne réponse après traitement néoadjuvant est en train de gagner une place potentielle dans la prise en charge multidisciplinaire de cette pathologie. Le taux de réponse complète varie de 20 à 30 %. Ces patients font alors l’objet d’une surveillance stricte appelée stratégie « watch and wait ». Dans une étude de cohorte anglaise, une préservation d’organe était possible à 3 ans chez plus de 60 % des patients en réponse complète après radiochimiothérapie, faisant l’objet d’une surveillance serrée.

Au vu des résultats prometteurs dans plusieures études et registres internationaux, cette stratégie est en cours d’évaluation pour les patients du CHR de la Citadelle.

La recherche de facteurs prédictifs morphologiques et moléculaires (profil d’expression des gènes) de la réponse au traitement néoadjuvant est un projet important et est toujours en cours à l’heure actuelle.

Malgré la diminution du risque de récidive locale, le risque de récidive métastatique après exérèse d’un cancer du rectum reste de l’ordre de 20 à 60 % en fonction du stade TNM initial.

SURVEILLANCE
La surveillance ne doit intéresser que les patients qui pourront bénéficier d’un traitement de la récidive. Elle a pour but d’identifier l’apparition de lésions à distance et/ou de récidive locale.
  • Examen clinique et iconographie par CT scan thoraco-abdo ou échographie abdominale et radiographie thoracique tous les 6 mois durant 3 ans puis annuellement.
  • Colonoscopie à 3 ans puis délai en fonction de la découverte ou non d’adénomes (dans les 6 mois post opératoires si initialement incomplète).
Le risque de récidive entre 5 et 10 ans est faible mais non nul de 7,6 % (Cottet V, 2015). Il n’y a pas de référence pour le suivi au-delà de 5 ans.

EN BREF
  • Le cancer du rectum est une pathologie fréquente dont la probabilité de survie à 5 ans est d’environ 55 %, tous stades confondus.
  • Les symptômes les plus fréquemment rencontrés sont la modification du transit, le syndrome rectal et les rectorragies.
  • Les rectorragies peuvent être banalisées à tort, ce qui retarde le diagnostic et la prise en charge.
  • Le diagnostic repose sur l’endoscopie basse qui doit être réalisée dans un délai court en cas de suspicion clinique.
  • La prise en charge est multidisciplinaire.
  • Les tumeurs du haut rectum bénéficient d’une chirurgie première.
  • Le traitement de radiochimiothérapie préopératoire est le standard thérapeutique pour les cancers du rectum de stade II (T3 ou T4 N0) ou plus.
  • La résection du rectum reste une intervention difficile, porteuse de risques sur les fonctions défécatoire, urinaire et sexuelle pour laquelle le robot apporte une plus-value.
  • Des stratégies de conservation rectale sont en cours d’évaluation selon le protocole Watch & Wait.
  • Le dépistage des apparentés est primordial.
  • Les études récentes RAPIDO et PRODIGE 23 montrent une amélioration significative de la survie sans récidive et la survie sans métastase à trois ans avec des résultats similaires, définissant un nouveau standard de prise en charge pour ces tumeurs (T3/T4 et/ou N+).

DÉPISTAGE DU CANCER DU RECTUM
À Bruxelles et en Wallonie, le dépistage systématique des cancers colorectaux est proposé gratuitement, tous les deux ans, aux hommes et aux femmes âgés de 50 à 74 ans qui ne présentent pas de risque particulier. Il leur est proposé de réaliser un test immunologique (iFOBT, pour ImmunologicalFaecalOccult Blood Test). Les personnes présentant des symptômes ou ayant des antécédents personnels ou familiaux doivent faire l’objet d’un suivi spécifique, et ne sont pas concernées par ce dépistage systématique.

RÉFÉRENCES
  • Cotte E, Artu P, Christou N, Conroy T, Doyen J, Fabre J, Legoux JL, Hoeffel C, Léonard D, Meillan N, Paix A, Pioche M, Rivin Del Campo E, Vendrely V. « Cancer du rectum ». Thésaurus National de Cancérologie Digestive, Mars 2019, [En ligne] [http://www.tncd.org]
  • Gérard JP, André T, Bibeau F, Conroy T, Legoux JL, Portier G, Bosset JF, Cadiot G, Bouché O, Bedenne L. Rectal cancer : French Intergroup clinical practice guidelines for diagnosis, treatments and follow-up (SNFGE, FFCD, GERCOR, UNICANCER, SFCD, SFED, SFRO). Dig Liver Dis. 2017 Apr ; 49(4) : 359-367.
  • Nicolas C. Buchs, ThibaudKoessler, Giulio C. Vitali, Thomas Zilli, GiacomoPuppa, RomainBreguet, Philippe Bichard, Arnaud Roth, Philippe Morel, FrédéricRis. Prise en charge multidisciplinaire du cancer localisé du rectum. Rev Med Suisse 2017 ; 13 :1229-35.
  • HAS : Cancer colorectal : modalités de dépistage et de prévention chez les sujets à risque élevé et très élevé. Recommandation de bonne pratique. Fiche juin 2017.
  • Fondation contre le cancer : programme de dépistage du cancer colorectal en fédération Wallonie-Bruxelles.
  • Hospers G, Bahadoer R, Dijkstra E, et al. Short-course radiotherapy followed by chemotherapy before TME in locally advanced rectal cancer. The randomized RAPIDO trial. J Clin Oncol 2020 ; 38. (Suppl.abstr 4006).
  • Conroy Th, Lamfichekh N,Etienne P-L, et al. Total neoadjuvant therapy with mFOLFIRINOX versus preoperative chemoradiation in patients with locally advanced rectal cancer: Final results of PRODIGE 23 phase III trial, a UNICANCER GI trial. J Clin Oncol 2020 ; 38. (Suppl abstr 4007)